SCANDINAVIAN-CANADIAN STUDIES/ÉTUDES SCANDINAVES AU CANADA
Vol. 29 (2020) pp.-.

Title: Frédérique Toudoire-Surlapierre. Lʼimaginaire nordique. Représentations de lʼâme scandinave (1870-1920)

Author: Yves Laberge
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Source(s): Laberge, Yves. 2020. Frédérique Toudoire-Surlapierre. L'imaginaire nordique. Représentations de l'âme scandinave (1870-1920) . Scandinavian-Canadian Studies Journal / Études scandinaves au Canada 29.
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review
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  • Nordicity
  • literary studies
  • Scandinavia
  • Social Imaginaries
  • culture
  • Nordicité
  • Études littéraires
  • Scandinavie
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Frédérique Toudoire-Surlapierre. Lʼimaginaire nordique. Représentations de lʼâme scandinave (1870-1920)

Yves Laberge

Paru dans la collection « Les aéronautes de lʼesprit », ce livre injustement méconnu et trop peu recensé s’intéresse à la nordicité, et plus particulièrement à l’âme scandinave, comme l’indique son sous-titre. Mais qu’est-ce que lʼimaginaire nordique? Et d’abord, qu’est-ce que lʼâme scandinave?
Pour Frédérique Toudoire-Surlapierre, lʼâme scandinave serait de prime abord une forme d’identification collective axée sur la reconnaissance de chaque individu dans une collectivité imaginée et partagée par tous, dans un lieu délimité; dans ce cas, lʼâme scandinave « … est à appréhender dans le sens d’une identité nordique, autrement dit ce qui en constituerait les fondements et les spécificités» (11). Mais dans une note en bas de page, Frédérique Toudoire-Surlapierre précise que son étude sur lʼimaginaire nordique portera uniquement sur des pays d’europe réduits à la Scandinavie (Danemark, Suède, Norvège, Islande) et la Finlande, et qu’en conséquence, «l’adjectif “nordique” parfois utilisé ne le sera que comme un synonyme de scandinave» (13, note 3). Par cette mise au point, le lecteur canadien comprendra que les régions polaires de l’Amérique du Nord ou encore la Sibérie seront ici exclues des analyses, ce qui laisse néanmoins un corpus abondant et diversifié, bien que circonscrit géographiquement aux limites de l’Europe septentrionale. Sur le plan théorique, Frédérique Toudoire-Surlapierre s’inspire entre autres des travaux du plus important philosophe de lʼimaginaire, Gaston Bachelard (10–11, 243) ainsi que des ouvrages essentiels du philosophe Jean-Michel Palmier (1944–1998) sur l’expressionnisme dans les arts et — déjà — sur l’âme scandinave (91); d’ailleurs, les nombreuses œuvres d’écrivains scandinaves étudiées ici, par exemple Le Chemin de Damas d’August Strindberg (1849–1912), sont du calibre des meilleures pièces de Camus ou de Beckett, bien que relativement moins connues dans le monde francophone (p. 91). Dans son analyse à propos du Chemin de Damas, Frédérique Toudoire-Surlapierre décrit fort justement ce «drame à stations» comme «une révélation» et «une apocalypse» (91). Une multitude d’autres thèmes philosophiques et spirituels seront abordés dans des œuvres-phares, comme la conception du destin dans le célèbre roman Niels Lyhne (1880), de Jens Peter Jacobsen (243), ou encore la vision panthéiste de la nature élaborée dans ce même roman: «Au moment de mourir, c’est encore une évocation de la nature qui lui vient à l’esprit; le souffle, la mer, la forêt, comme un dernier symbole de vie» (244). Cette analyse du panthéisme lié à la nature se poursuivra jusqu’au dernier chapitre avec l’étude du roman Pan (1894), de l’écrivain nobélisé Knut Hamsun, qui reprend le thème typiquement scandinave de «la communion de l’homme avec la nature» (316). Les nombreuses remarques de la conclusion ne manquent pas de rappeler que cette hypothétique «âme scandinave» se retrouverait en bonne partie chez l’observateur étranger lui-même qui imagine et mythifie « l’autre » dans sa nordicité, tel une utopie ou un «mythe littérarisé» (325).
La force de Lʼimaginaire nordique: Représentations de lʼâme scandinave (1870-1920) réside dans son exhaustivité presque parfaite en considérant non seulement plusieurs genres littéraires scandinaves de la période étudiée, y compris certaines légendes et des mythes, mais aussi les arts, le folklore, la philosophie et la spiritualité, sans se limiter uniquement aux traductions françaises, pourtant nombreuses. Il en résulte un ouvrage érudit, au style élégant, qui va au-delà de la simple étude de lʼimaginaire littéraire des pays nordiques d’Europe en rappelant que la culture scandinave est plurielle et ne se réduit pas seulement à Peer Gynt ou aux films d’Ingmar Bergman. On y aborde également des dimensions interdisciplinaires comme l’interculturalité ou encore le jeu des influences littéraires, car le rayonnement international de la littérature scandinave n’a pas toujours été acquis: «Avant 1870, les pays nordiques ont été essentiellement en position de recevoir la culture et la littérature d’autres pays» (19). Sur le plan éditorial, seulement une phrase boiteuse semble avoir échappé à la révision linguistique: «Une simple allusion le conforte le lecteur dans l’écho mythique (…)» (315).
Bien qu’on ne le mentionne pas explicitement, ce livre rigoureux et instructif sur la nordicité européenne est adapté d’une thèse de doctorat intitulée « Étude des représentations de lʼâme scandinave dans la littérature nordique du tournant du siècle (1870-1920) ». Puisque les Éditions Lʼimproviste ne semblent pas diffusées au Canada, on pourra commander ce titre directement sur le site Internet de l’éditeur.

Yves Laberge

Université d’Ottawa

NOTES

  1. Pour une étude non-restrictive et plus inclusive de la nordicité, on se référera à l’ouvrage fondateur de Louis-Edmond Hamelin, Nordicité canadienne. Montréal, Éditions Hurtubise HMH, collection « Géographie », Cahiers du Québec, 1975.
  2. Cette référence bibliographique apparaît sur le site répertoriant les thèses soutenues en France: Frédérique Toudoire-Surlapierre, Étude des représentations de lʼâme scandinave dans la littérature nordique du tournant du siècle (1870-1920). Thèse de doctorat en Études scandinaves, sous la direction de Pierre Brunel, soutenue en 2000 à l’Université de Paris 4. [ http://www.theses.fr/2000PA040095 ]